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samedi 26 mars 2016

Odile pleurait, éternuait, se rongeait les ongles, se bouffait même le bout des doigts. L'en avait pissé dans sa culotte! De trouille? De rancoeur ?
Mais elle, sa mère, pas comme sa fille, quand a l'était jeune,  a l'avait du chien - la mère!  Mais a s'foutait pas mal d'sa fille ! A préférait ses amants et ses chattes... Jamais de chien ; ça non !Trop macho!
L'avait peur d'sa mère. Savait pas pourquoi? Comme ça.
D'un côté, l'avait  peur qu'un peu ; d'elle... D'un autre a l'étouffait. L'avait peur d'être étouffée, noyée dans son luxuriant  giron.
L'impression qu'a l'envahissait comme cadavre d'Ionesco remplissant une pièce pis l'autre. Ionesco ou Beckett ? Pas Arrabal ; lui c'était l'tuyau qui s'allongeait...Et l'sdéshabillait jusqu'à l'os...<br>
?
L'était pas cultivée la Odile. Sa mère lui avait pas fait aimer l'école. Ses maîtresses non plus ni ses profs. L'était pas assez huppée!
Mais a l'avait longtemps fait l'ménage aux Moufles du Sud, à Paris. L'entendait les répétitions.
Même si a y pigeait rien, s'en imprégnait - comme un buvard qui boit l'encre ou l'ancre- ancre les mots- ça dépend d'c'qui veut.
A s'en fichait,  mais quand a l'avait peur, s'sentait trop vide, ces mots comme refrain répété, lancinant, la rassuraient.

Sa mère. Ce sang. Pas des menstrues.
Comme lapin qu'on tuait autrefois chez l'oncle Léon au bord de la Marne pour faire la sanguette. (délicieuse) en chantant. "Ah le petit vin blanc qu'on boit sous les tonnelles..". Guinguettes et jardins ouvriers, la vigne et la tonnelle, quand le père se rasait avec ses Gillettes mordant la mousse blanche...

La Marne c'était pas en Pologne. L'Polonais c'était l'autre grand-père, l'père de son père, son père qu'avait presque pas connu. La faute à Marlène, mais d'abord à sa mère...

A sursauta, la chatte s'redressait menaçante, poils dressés, zyeux luisants.
Les épaules de la fille de la mère Michel frémirent comme une des rares fois où alle dansa l'tango. Le vrai, langoureux d'Argentine.  L'avait osé le haussement d'épaules qui frissonnait le corps de haut en bas et gauche à droite. 
C'était loin tout ça. A savait pas où était son père, et sa mère - qu'a voyait pas souvent, l'était morte.

La chatte la tira de ses rêveries. Poils en érection, yeux luisants, langue pointue sur dents acérées. Ramassée comme prête à bondir.
Elle verdit de trouille, voulant s'enfuir mais retenue par ses jambes flageolantes.  Et puis lui revient ce conte chinois maintes fois raconté par l'Polonais de Cracovie, où une princesse se transforme chaque semaine en chatte pour  égorger  hommes et femmes et s'en nourrir...

Y'avait qu'sa mère pour la maîtriser (la chatte) d'un regard langoureux, corps chaloupé. Et si sa mère c'était la chatte ? Mais alors, elle-même, aurait-elle aussi ce don de se transformer en chatte? Et quoi faire? Et où? Et quand ?
A l'avait peur et à la fois, elle, si éteinte, a jubilé comme si la vie lui offrait une possibilité de revanche. Mieux que son frère qu'tait pas v'nu, lui qui colonisait les nègres en Afrique mais dépensait chaque jour la fortune gagnée! Il les tondait comme des moutons pour rien et s'en foutait, s'était toujours foutu des réprimandes marmonnées par sa mère. Elle aussi d'ailleurs après devoir accompli de mère;
D'ailleurs elle ne la voyait pas souvent, même pas une fois par an. Le frère, lui, ça faisait des années qu'il devait venir. A moins que... Il était persuadé que son père avait laissé, pour lui, un magot à sa mère... Allait savoir.

Emergeant de sa torpeur, un regard ambigu fixé sur la chatte, Odile sortit à reculons/croupetons prudents  et disparut dans l'épais brouillard du soir, troué d'un pas guilleret...

Iñes I.
Un hommage de Patagonie à Jean Tardieu 












1 commentaire:

  1. C'était un chat pas une chatte ! Sûr, mais... Ces diaboliques chattes de contes chinoises, pires que Mélusine... Et si un meurtre de chat avait précédé celui de la mère Michel ? Voilà qui expliquerait que son chat ne l'ait protégée...

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